Contexte historique

23 Décembre 1618,

Nous mouillâmes dans la matinée à Dresden, dans l'électorat de saxe, après avoir remonté l'Elbe par une bourrasque d'Est. Aussitôt le vaisseau à l'ancre, je chargeai un officier d'aller rendre visite au Duc et de l'informer de mon intention de faire halte dans sa ville pour nous procurer des vivres frais et réparer les dégâts que le mauvais temps nous avait fait subir. Monsieur Von Wettin me fit très poliment répondre que de ficher le camp au plus vite car il avait mieux à faire que de s'occuper de nous. J'appris par la suite que, depuis la grande peste, les fidèles vivaient dans la peur de la mort. Dans les campagnes, les paysans, outrées par la débauche de certains prêtres qui vivaient publiquement en concubinage et proposaient aux fidèles de payer pour leur salut, s'étaient joints au mouvement créé par un moine et professeur d'université du nom de Martin Luther (un illuminé qui proclamait haut et fort que les mœurs scandaleuses que ne cessaient de montrer la papauté écartaient les âmes du Paradis. Pour ma part, le seul paradis que je connaisse se trouve dans les seins d'une femme.)


29 Décembre 1618,

Le vent soufflait toujours violemment au large, mais à Dresden nous ne sentions que de légères brises intermittentes. Dans l'après-midi je fus enfin convier par Lord Von Wettin à prendre le souper. Je pus ainsi rencontrer sa sœur, Lady Élisabeth, qui, ma foi, ressemble à un rêve ayant pris chair. Au cours d'une discussion avec cette délicieuse créature, elle m'expliqua que les fidèles de Martin Luther s'était réuni dans un mouvement du nom de « Réforme ».  L’empire s'était alors scindé en deux camps qui s’opposaient militairement : catholiques d'un côté, et protestants de l'autre. J'ai ouïe dire que ces armées étaient principalement composées de mercenaires, recrutés par des capitaines privés. La paye ne leur serait pas régulièrement assurée, souvent avec retard voire non versée aux soldats. Cette soldatesque se payerait donc elle- même sur les populations civiles, qu'elles soient « ennemies » ou non, accompagnant souvent ces extorsions d’atrocités.


3 Janvier 1619,

Ce matin, le temps étant plus calme qu'il ne l'ait été depuis quelques jours, je fis vider la soute aux voiles pour les aérer à terre. Il s'avéra que la voile de misaine, la grand-voile et le foc ont été trouvée fortement couverts de moisissures et pourris en bien des endroits... Cet bande d'abrutis qui me sert d'équipage aura ma mort. Il n'est guère de négligence professionnelle qui puisse revêtir un caractère plus criminel que celle- ci ! En partant donc en ville à la recherche d'un personne capable d'en changer, je vis une foule qui attendait bruyamment dans les rues et sur les quais. Au vu du bucher qui avait été monté sur la place, je compris rapidement que ce qui avait amassait autant de curieux était une exécution. L'on m'expliqua qu'il s'agissait d'une condamnation pour sorcellerie. Quand je m'enquis de savoir si elle avait bien eu un jugement, mon interlocuteur me répondit que les procès avaient pour seul but d’obtenir les aveux de l’accusé, par la persuasion, la pression ou la force. La torture était courante. Plusieurs types de peine étaient prononcés, la plus douce étant réservée à la sorcière qui s’était dénoncée d’elle-même : pèlerinage, flagellation publique, amende ou port de la croix. Dans le pire des cas, on lui confectionnait une camisole dans une toile bénite, puis elle était conduite au bûcher pour y être brûlée vive.

S'il y a bien un Dieu dans ce monde, il semble avoir définitivement fermé les yeux sur la barbarie de ses fidèles...